Cynthia Fleury – Silence et mort

Cynthia Fleury – Silence et mort

Quel rôle tient le silence dans un tel projet ?

C’est un facteur clé du bien-être de l’être humain. En nous protégeant des bruits indésirables, il nous permet d’accéder au sacré, au spirituel, de nous concentrer, de préserver notre santé physique et psychique. Il conditionne aussi la civilité, l’harmonie du vivre-ensemble. Il n’existe pas de débat, de dialogue sans organisation de la parole et donc du silence. Or celui-ci est de plus en plus l’apanage des plus privilégiés. Il faut donc créer des espaces et des services, publics ou privés, qui permettent de bénéficier gratuitement du silence pour que nous puissions préserver la qualité de notre attention au monde. C’est ainsi, aussi, que nous pourrons mieux gérer nos vulnérabilités.

Et le soin aux morts ?

Il est essentiel. Les endeuillés sont exclus de ce monde ; on l’a vu au plus fort de la pandémie de Covid, quand les familles ont été empêchées d’accompagner les malades, voire d’assister aux inhumations. Les dégâts sont colossaux. Une communauté politique, c’est donner du soin aux vivants mais aussi aux morts. Une société qui ne fait pas cela se mutile. Si l’homme se tient debout, c’est grâce à une verticalisation aussi physique que psychique ou spirituelle. Rendre l’absent présent, le symboliser, le commémorer sont autant de rituels essentiels à la consolidation du sentiment humain. Je pourrais tenir un raisonnement du même ordre en ce qui concerne le patrimoine architectural et le rapport au passé : nous avons abandonné aux spécialistes la défense de notre culture patrimoniale, alors qu’elle nous lie à ceux qui nous ont précédés. On oublie souvent qu’habiter, c’est demeurer, c’est prendre conscience du temps long qui nous traverse.

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