La fin de la Megamachine – Désenchanter l’imaginaire

La fin de la Megamachine – Désenchanter l’imaginaire

Sortir de la mégamachine commence dans nos têtes. Dès notre plus jeune âge, nous sommes conditionnés à entrer en concurrence avec les autres ; nous sommes notés, évalués et classés selon des catégories prédéfinies ; nous devons sans cesse nous mettre en valeur pour dénicher une place dans le monde ; notre représentation de la vie se réduit à gagner plus de points que les autres dans le concours pour le prestige et les revenus. Dans ce jeu, la valorisation de l’un se fait toujours au détriment d’un autre. Voilà pourquoi la mégamachine crée une pénurie artificielle non seulement de biens et d’argent, mais aussi d’affection et d’attention.

Les stars attirent la vue de millions de gens sur elles tandis que nous n’adressons même pas un regard à notre voisin de palier, alors qu’il est peut-être une personne bien plus intéressante qu’elles. Nous sommes assis dans des cellules bien cloisonnées et regardons tous vers le haut. Sortir de la mégamachine commence par libérer notre regard et notre attention des œillères que leur imposent ces cellules, déchirer les murs qui nous séparent les uns des autres, éteindre les écrans de télé, voir qui est à côté de nous et cesser de lorgner vers le haut.

Si nous y parvenons, nous pouvons alors commencer à imaginer une société qui repose sur la coopération plutôt que sur la concurrence ; qui ne crée pas le manque pour la majorité et la profusion pour une minorité, mais donne tout ce qu’il faut à tous ; qui ne doive pas compenser le vide affectif par un nombre de biens en croissance permanente ; et dans laquelle tout le monde puisse s’épanouir et enrichir ses liens aux autres, au lieu de faire tourner les moulins de l’accumulation.

La mégamachine n’a que l’apparence d’une machine.

Plus on pénètre dans son fonctionnement, plus on voit qu’elle est faite d’êtres humains déguisés en rouages ; qu’à tous les niveaux, les « contraintes objectives » servent seulement de masques aux décisions humaines. Sortir de la machine signifie démissionner peu à peu de sa fonction de rouage et savoir démasquer, derrière le rideau de fumée des contraintes objectives, les décisions humaines susceptibles d’être infléchies. Car la machine ne fonctionne qu’aussi longtemps que nous l’alimentons. Comme Gandhi l’a reconnu à juste titre, aucun Empire britannique, aussi puissant soit-il, n’aurait pu contrôler toute l’Inde si les Indiens n’avaient pas collaboré d’une manière ou d’une autre à leur propre sujétion.

La fin de la Megamachine – Désenchanter l’imaginaire (p. 452)

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