VERS L’HUMAIN – OU LE POST-HUMAIN?

Vers quoi, vers qui l’homme va-t-il s’orienter ? Comment va-t-il « tourner » ? Quelle version de lui-même va-t-il offrir demain ?

Certains théoriciens annoncent le règne de l’anthropotechnie : L’homme deviendra le concepteur de lui-même. On prédit l’avènement de trans humains, produits de la cybernétique et de l’ingénierie génétique. On rêve de remodeler la nature humaine, de créer de nouveaux prototypes humains, comme les zootechniciens créent de nouvelles variétés de reptiles pour distraire le public. Mais ces théories négligent le fait que l’humain n’est pas un « type » et s’en tiennent à une vision plasticienne de l’homme.

Cependant, les risques d’un renoncement de l’humain à ce qu’il a cherché à devenir, à travers chacune de ses cultures, proviennent sans doute davantage du phénomène appelé mondialisation. Si l’extension des échanges marchands et l’organisation de la production à l’échelle mondiale se limitaient au seul domaine de la vie économique, ils continueraient à poser le problème de l’exploitation capitaliste. Mais on observe autre chose, à savoir l’extension progressive du domaine de la production et de celui des rapports marchands à tout le champ social. L’homme devient essentiellement un producteur et un consommateur, voire lui-même une ressource pour la production et une marchandise.

Dans ces conditions, tous les liens sociaux risquent d’être corrompus. Les cultures humaines ont toujours été créatrices de valeurs fondamentales. Elles se sont organisées autour de « quelque chose » qui inspire le respect, fonde des règles, marque des limites, impose une retenue, permet d’établir la dignité et des liens de solidarité entre les hommes. Dans des sociétés qui n’auraient plus d’autre fin que le profit, qui ne connaîtraient plus que la valeur d’usage et la valeur d’échange, que resterait-il des institutions et des valeurs fondatrices de ce que nous appelions des cultures, et qu’adviendrait-il de l’homme ?

Devenir Humain – Sylviane Agacinski